L'oraison, prière intérieure

La Prière de Jésus (Pratique) .3

Nous allons parler de la pratique de la prière de Jésus en donnant des suggestions très concrètes. Il faut tenir compte, bien sûr, qu’il n’y a pas qu’une seule façon de procéder, mais que c’est à chacun d’adapter selon ses besoins, suivant sa vie. Nous parlons concrètement, pratiquement, puisque c’est le sujet de l’exposé, mais en gardant présent à l’esprit que ce qui est principal, primordial, c’est le désir de vivre avec le Christ à longueur de journée, de se laisser imprégner, transformer par le Christ.

I) Les différentes façons de recourir à la prière de Jésus

Certains y recourent pendant une période de leur vie, pendant une phase de leur vie ; Quand ils traversent de grosses épreuves, ou à un moment où la prière leur est particulièrement difficile et aride ; pendant ce temps, la Prière de Jésus leur apporte l’aide dont ils ont besoin. C’est comme un épisode dans leur vie spirituelle, mais ils ne recourent pas à la Prière de Jésus de façon habituelle. Certains y recourent à certains moments de la journée.
Cela ressortait des témoignages, tout à l’heure : dans les moments de tentation, d’angoisse, de fatigue, de grosses difficultés ; elle est comme un appel au secours ; ou simplement quand ils éprouvent le besoin de renouer la relation avec le Christ, dans le courant de la journée. A ce moment là, la Prière de Jésus est, pour eux, un moyen parmi tant d’autres, de renouer la relation avec le Christ, de réveiller cette relation.
Mais pour d’autres, la Prière de Jésus est vraiment la méthode, autour de laquelle se construit, s’unifie toute la vie spirituelle. C’était le cas de ce témoignage entendu tout à l’heure, de la femme qui pratique la Prière de Jésus depuis 45 ans. Au cours des journées, la Prière de Jésus est le moyen habituel par lequel s’exprime leur relation au Christ. Nous allons parler de la Prière de Jésus, à la fois pour ceux-ci, dont c’est la prière privilégiée, et aussi pour ceux pour qui c’est une méthode comme tant d’autres, ou une méthode pour un temps. Car on ne peut jamais savoir si c’est une méthode temporaire ou la façon de prier privilégiée de toute la vie, puisque nous devons avant tout être dociles à l’Esprit Saint, donc nous ne devons pas avoir notre idée à nous, ou notre façon de prier.

II) Deux écueils à éviter

Lorsqu’on commence à pratiquer la Prière de Jésus, il est très important de ne pas se dire, a priori : « Cela va être ma méthode » ; parce qu’en lisant certains témoignages, certains livres, c’est tellement séduisant ! La Prière de Jésus amène de tels bienfaits ! Alors, on risque de se dire : « Cela va être la même chose pour moi », « La Prière de Jésus va être la méthode autour de laquelle je vais organiser toute ma vie spirituelle ».

 

Attention ! ce n’est pas quelque chose qu’on décide par soi-même, arbitrairement. Voici ce que dit le Moine d’Orient à ce sujet : « Décider par un choix arbitraire que ce dernier cas (le cas où la Prière de Jésus est vraiment ma méthode) sera la nôtre, serait bâtir un édifice qui s’écroulerait misérablement. ON Y EST APPELÉ, CONDUIT PAR DIEU. »
Donc, lorsqu’on commence, il faut recourir à cette prière, sans idée préconçue, sans a priori, très humblement sans penser que ça va être la méthode de ma vie. C’est un peu le danger quand quelque chose est « à la mode », quand on en parle beaucoup, de raccrocher à cela, et de penser que ça va être le moyen privilégié pour moi aussi.
Il ne faut pas être accroché à une façon de faire, mais par ailleurs, il ne faut pas non plus dès les premières difficultés, se dire : « ce n’est pas fait pour moi ». Pour éviter ces écueils, lorsqu’on commence la Prière de Jésus, il est bon de se fixer un certain temps d’essai : 15 jours, 1 mois. Pendant ce temps fixé, je m’exerce à la Prière de Jésus et au bout de ce délai, je me poserai la question de savoir si je continue ou si je m’arrête et surtout, j’interrogerai le Seigneur, pour savoir si c’est ce qu’il attend de moi.
Et, pour savoir si je dois vraiment persévérer dans cette voie, j’aurai des critères :
Voici ce que dit le moine d’Orient :

« Si elle s’accompagne d’un attrait pressant, si elle produit en nous des fruits de pureté, de charité, et de paix, il y a là des indices qui méritent d’être humblement et attentivement considérés. » (Page 75)

Si je ne décide de ne plus m’exercer systématiquement à la prière de Jésus, cela ne veut pas dire que je n’y aurai pas recours de temps en temps au cours de la journée. On va en parler plus loin.

Encore quelques mots sur les écueils à éviter, sur les autres motivations à écarter :
Essayer par curiosité, simplement parce qu’on en a entendu parler rechercher dans la Prière de Jésus une sorte de refuge, une piété individualiste et égocentrique, vouloir expérimenter, trouver quelque chose, être en quête d’une expérience sensible, d’une émotion.
Recourir à la prière de Jésus comme à un remède miracle pour retrouver le sommeil, par exemple, ou un autre bienfait : même si, en fait, cela aide certains à trouver le sommeil, cela ne peut être une bonne motivation première pour recourir à la Prière de Jésus.
Il peut aussi y avoir une motivation pas très définie, qui n’est pas forcément mauvaise, c’est de se dire : ça m’attire, je pense que ça pourrait m’aider, mais sans trop savoir pourquoi.

Cependant, il n’est pas nécessaire d’avoir des motivations totalement pures pour commencer, sinon, on risquerait de ne jamais commencer ; et le Seigneur se chargera lui-même de purifier nos motivations.

Nous avons donc vu les différentes façons de recourir à la Prière de Jésus, l’état d’esprit dans lequel commencer, c’est-à-dire sans idées préconçues, sans a priori, et puis quelques motivations à écarter.

III) Abordons maintenant vraiment la pratique de la prière de Jésus.

Si l’on voulait définir la prière de Jésus, par son aspect extérieur, sans vouloir tenir compte de son âme, de sa spiritualité, on pourrait dire : elle consiste en la répétition d’une phrase, d’une formule.

1ère question à se poser : QUELLE FORMULE RÉPÉTER ?

La formule qu’on trouve le plus souvent recommandée dans la tradition, et le plus souvent utilisée, est :

« Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur »

On peut dire, aussi : « Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi, pécheur »

Ou une formule abrégée :

« Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi »

Certains disent simplement :

« Seigneur Jésus ».
Ou « Jésus ».

D’après les témoignages reçus, dont celui de cette femme qui la pratique depuis 42 ans, il semble que
« Jésus » et
« Seigneur Jésus »,
soient employés dans les moments de paix de calme, et puis, au contraire, la formule longue dans les moments d’agitation, où l’on a besoin d’appeler au secours, ou quand l’âme est lourde, et qu’il faut la réveiller, l’entraîner, dans les moments de tentation aussi. Cette façon de prier en disant seulement
JÉSUS,
il semble qu’elle se trouve dès les premiers temps, bien que tout le monde ne soit pas d’accord là-dessus.
Le père Haüser, qui a beaucoup écrit sur la Prière de Jésus, lui, conseille depuis toujours d’associer au nom de Jésus des titres qui expriment sa divinité et qui expriment l’adoration.
C’est donc à chacun de déterminer sa propre invocation, mais en tenant compte quand même que cette formule :
« Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu (ou Fils du Dieu vivant) Aie pitié de moi, pécheur. »
Là, derrière elle, toute une tradition, des siècles d’expérience de prière : il faut donc lui accorder un « a priori » favorable, même si, après quelques temps, l’Esprit Saint met dans notre coeur une formule plus coute, pour plus ou moins longtemps. Il ne faut pas s’y attacher.
Si l’Esprit Saint nous y pousse, il faut revenir à la formule longue, avec docilité.
Après la question : « Quelle formule répéter ? »

2ème question à se poser : QUAND Y RECOURIR ?

Il y a deux façons de faire, on peut combiner les deux, c’est même conseillé.
a) 1ère façon de faire : consacrer à la Prière de Jésus, un certain temps chaque jour. Par ex 2 ou 3 fois 10 minutes par jour, une sorte d’expérience systématique.

D’après l’expérience, c’est une bonne chose de s’imposer ces moments précis et de s’y tenir, sinon la prière de Jésus risque d’être quelque chose de simplement épisodique. Elle risque de ne pas s’enraciner dans notre vie. On risque de ne pas en faire vraiment l’expérience.

Ce temps consacré à la prière de Jésus peut-être pendant certaines activités, qui reviennent chaque jour, par exemple le quart d’heure pour aller au travail.

Cela peut être aussi un temps exclusivement consacré à la prière de Jésus. Alors on choisit un moment calme, où l’on ne risque pas d’être dérangé, un lieu silencieux ;
et le fait de dire la Prière de Jésus dans des moments exclusivement consacrés à elle, fait que, lorsque je la retrouverai, au cours de la journée, dans les intervalles de mes activités, elle sera plus facilement une prière.
Le fait de l’avoir dite dans un climat de prière fera qu’elle m’aidera plus à retrouver le Christ lorsqu’elle reviendra au cours de la journée, entre deux occupations, ou au cours d’une activité qui ne m’accapare pas. Notons bien que cet exercice systématique est toujours dans le but d’arriver à cette vie à deux dans le Christ, à longueur de journée.
Mais, dans les premiers temps, parce que nous ne sommes pas habitués à prier tout recueillis au niveau du coeur profond, notre intellect comme enclos ou à l’intérieur des mots que nous prononçons- parce que nous ne sommes pas habitues à cela-cette prière peut provoquer une certaine fatigue cérébrale ou une certaine tension.
Rappelons qu’il faut s’arrêter lorsqu’on sent cette fatigue. Et l’expérience montre que, dans les premiers temps, -(à moins que la Prière de Jésus nous soit donnée par le seigneur et qu’elle respire en nous comme malgré nous-cela arrive-) il est préférable de prier la Prière de Jésus pendant 5 minutes le soir. Donc, par petits morceaux, afin d’éviter la tension. Car le fait de nous enclore tout entier dans les mots que nous prononçons, cela suppose de notre part un certain labeur. Bien des gens n’arrivent pas à dire la formule plus de 10 fois sans distractions, avant plusieurs mois d’exercices, tellement nous sommes éparpillés, dispersés, soumis à notre vagabondage cérébral. Nous avons à collaborer à l’œuvre du Seigneur, mais la prière du cœur, c’est un don du Seigneur. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons nous donner nous-mêmes.