Sœur Isabel
Mali
"Si je ne le connais pas, Lui me connaît"
J’ai commencé à faire oraison à douze ans, vingt minutes par jour. Puis, peu à peu, ce temps a augmenté.
Je suis entrée dans la vie religieuse à vingt-quatre ans. Depuis, je vis habituellement deux temps d’oraison par jour, d’une heure : le matin très tôt, avant de commencer aucune activité, et l’après-midi ou le soir, l’adoration de l’Eucharistie.
Ces deux temps ont une couleur propre.
Le matin, c’est un temps privilégié pour moi. Il y a le silence des voisins, de la ville, de mon cœur. Normalement, la veille au soir, la dernière chose que je fais avant d’éteindre la lumière, c’est de lire l’Evangile que je vais prier ; c’est le texte que la liturgie nous donne, mais il y a des moments où je fais une lecture (spirituelle).
Le matin, souvent avant d’aller à la chapelle, je récite le texte d’une façon détendue (pendant que je bois mon café), une façon de me le mettre en tête.
Ma pensée commence à la chapelle toujours avec le même rite. Je m’assois sur un petit banc de prière et je me prosterne, en prenant conscience d’être en présence de mon Seigneur.
C’est toujours suivi d’une prière à l’Esprit Saint. Il y a des jours où la prière à l’Esprit Saint je la change par une prière à la Trinité : "O mon Dieu, Trinité que j’adore"… C’est selon la période et ce que je vis. Par exemple, si je me sens dispersée en moi, ma prière est : "Viens, Esprit-Saint, apaiser en moi les discordances, le bruit des mots". Dans ce cas de dispersion je donne plus d’importance au corps : respiration, position…
Après, je commence à lire le texte doucement. A partir de là, il y a de grandes variations selon les différents moments de ma vie.
• Il y a des moments où ma prière est très méditative. Je réfléchis aux mots, au contexte. Et cela m’aide à regarder de très près dans ma vie.
• Il y a des moments où c’est seulement une phrase ou un mot que je répète, ou qui se répète sans cesse en moi, comme pour s’ouvrir un passage dans ma dure carcasse.
• Parfois, c’est un simple geste de Jésus ou un autre passage qui me reste imprégné.
• Il y a des moments où rien ne me dit rien. Alors, après quinze ou vingt minutes, il y a deux prières que je me répète, selon les moments : "Seigneur, je suis là parce que tu es là", ou "Seigneur, mets en moi le désir de toi".
• Vers la fin, ou bien avant, ma prière devient une demande de grâce ou une action de grâce, une louange…
Du fait qu’après ce temps d’oraison, nous prions Laudes, je n’ai pas un rite pour finir. Alors que l’après-midi, après l’adoration, je finis avec une longue prostration.
Mon temps de prière de l’après-midi est coloré de façon différente. C’est après une journée de travail, de relation avec les voisins, ou en fraternité, etc.…
Je ne suis pas aussi centrée que le matin sur la Parole de Dieu, même si je la lis ou si je dis des extraits de textes spirituels. C’est la vie de mes frères, ce que je viens de vivre, de voir, d’entendre. C’est une supplication, louange, action de grâce. Je viens de quitter la présence de Dieu en mes frères pour être en présence de son Corps. Et cela fait une visite : "Ceci est mon Corps".... "Ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi....".
Je crois que les fruits de l’oraison se produisent souvent à la longue. Pour moi, le plus significatif a été une meilleure connaissance de moi et de la réalité.
L’oraison est un chemin de guérison intérieure, lente mais profonde. A l’oraison, je me sens devant quelqu’un qui m’aime et qui doucement me fait découvrir des vérités parfois douloureuses sur mon passé ou sur le présent, vérités que je ne pourrais jamais accueillir ni assumer si je ne me savais pas devant cette présence aimante.
Voir la réalité avec d’autres lunettes ; les nôtres sont souvent fausses. Lui nous entraîne à regarder comme lui.
L’oraison est pour moi un chemin d’humilité. Je ne peux pas la maîtriser (et Lui sait que j’aurais la tentation de le faire). Je ne peux pas la mesurer. C’est seulement la charité vécue qui peut la mesurer, et encore !
Je suis convaincue que c’est grâce à l’oraison que j’ai pu éviter de tomber parfois très bas. L’oraison répète, creuse quelque chose qui ne peut pas s’effacer en moi.
Mon histoire d’oraison est comme une spirale. Parfois je crois être encore au même point, et c’est vrai, mais c’est plus profond. Une spirale qui descend en profondeur.
Parfois j’ai comme l’impression et la conscience que je ne sais pas prier, que je suis comme étrangère à Jésus et encore plus au Père et à l’Esprit, que je suis zéro. Mais je finis toujours par accepter cette réalité. C’est lui qui doit prier en moi ; et si c’est vrai que je ne le connais pas, Lui il me connaît.
Et la dernière chose : mon expérience me prouve que l’oraison se nourrit avec l’étude de la Parole ou de textes spirituels. C’est quand je néglige cela qu’après, souvent, ma prière devient plus sèche.