3ème question : comment répéter la prière ?
Et en particulier, comment la répéter pour que ce ne soit pas une routine, un mécanisme qu’on met en route. Il y a une réaction très vive chez les partisans de la prière de Jésus contre le formalisme, le mécanisme. Voici ce que dit St Nicodème l’Hagiorite (c’est lui qui avait recueilli les textes de la Philocalie) : « La prière de Jésus ne doit rien avoir de mécanique ; cette prière seule ne suffit pas, il faut encore mettre en mouvement la puissance, la volonté de l’âme ; il faut que cette âme dise cette prière avec toute sa volonté, toute sa force, tout son amour ». Nous allons donc voir comment dire la prière de Jésus pour que ce ne soit pas une simple répétition mécanique.
(Faisons une parenthèse pour dire que ça peut aider quelquefois quand on en a la possibilité et ce n’est pas toujours possible – de la dire à voix haute, quand on est distrait, le fait de dire à voix haute aide à être attentif).
Les conseils qui suivent sont des suggestions, et s’appliquent plutôt aux moments exclusivement réservés à la prière de Jésus, et non pas à ce qu’on peut appeler la prière des intervalles.
a) d’abord cela peut aider de prendre une attitude du corps qui favorise la prière : petite chose toute bête, mais qui nous aide à rester attentifs, à ne pas nous assoupir : en face d’une icône, d’un crucifix, devant le Saint Sacrement.
b) Cela peut être bon aussi, de faire le calme en soi, par exemple par quelques aspirations profondes.
c) On peut aussi, -et ce n’est pas au même niveau, c’est beaucoup plus spirituel- invoquer l’Esprit Saint, avant de commencer la prière de Jésus. Saint Paul dit : « On ne peut dire que Jésus est Seigneur sans le secours de l’Esprit Saint ». Donc, c’est l’Esprit Saint qui nous entraîne vers le Christ.
d) Ensuite, il n’y a qu’à prononcer calmement la formule, la prière, en se tournant intérieurement vers le Christ ; en portant un regard aimant sur le Christ, en entrant en relation personnelle avec lui, en réveillant cette relation JE – TU, relation de personne à personne, en tournant notre cœur profond vers le Christ.
Et on répète sans se tendre, sans se hâter, tranquillement, et ce n’est pas nécessaire de le répéter de façon continue.
Le but n’est pas la répétition continue. La répétition peut se prolonger par des minutes de silence, où l’on est tout simplement présent au Christ présent. Et, suivant les dispositions intérieures, l’attention se portera sur les premiers mots : Seigneur Jésus, Fils de Dieu, ce sera un cri de louange, une adoration. ou sur : aie pitié de moi, pécheur ce sera un appel à l’aide, une demande de pardon, ou sur le nom de JESUS lui-même, et à travers le nom, je rejoins le Christ.
Le but : ce n’est pas d’être attentif aux mots, ni même à leur signification, même si parfois, cela aide d’être attentif aux mots ; le but, c’est de peu à peu se rendre attentif à la personne même du Christ ; comme lorsque je regarde la photo d’un ami, je ne m’arrête pas à la photo ; à travers la photo, je le rejoins, lui. De même quand je dis « Seigneur Jésus Christ » : à travers ces mots, je réveille ma foi, je rendre en relation de personne à personne avec Lui. Et ce n’est pas simplement une attention mais une adhésion du cœur.
e) un autre point important, c’est de ne pas chercher à éprouver quelque chose que l’on a déjà dit : ne pas vouloir « sentir », « ressentir ». On ne vient pas prier pour ressentir une émotion, une paix, une joie.
Le but : ce n’est pas d’être attentif aux mots, ni même à leur signification, même si parfois, cela aide d’être attentif aux mots ; le but, c’est de peu à peu se rendre attentif à la personne même du Christ ; comme lorsque je regarde la photo d’un ami, je ne m’arrête pas à la photo ; à travers la photo, je le rejoins, lui. De même quand je dis « Seigneur Jésus Christ » : à travers ces mots, je réveille ma foi, je rendre en relation de personne à personne avec Lui. Et ce n’est pas simplement une attention mais une adhésion du cœur.
Évidemment, c’est loin d’être un aspect essentiel de la pratique de la prière de Jésus. On peut essayer de faire la prière sur le rythme de la respiration : pour certains, cela se fait tout naturellement, et ils n’imaginent pas qu’on puisse faire autrement la prière de Jésus, que de la dire sur le rythme de la respiration.

Pour d’autres, au contraire, cela leur demande un tel effort que finalement ils sont plus attentifs à leur respiration qu’à la prière ; dans ce cas, il vaut mieux laisser tomber. Peut-être reprendre au bout d’un certain temps, et alors, on se rend compte que cela se fait tout seul. Aussi bien, cela ne se fera pas, et cela n’a aucune importance.
Une des raisons d’un certain succès psychologique de la Prière de Jésus, aujourd’hui, dans nos pays, c’est parce que certains la présentent comme liée à la respiration et en font une sorte de « yoga spirituel », pensant que cela va nous donner tel ou tel don du Seigneur. Nous savons que dans l’histoire de la prière de Jésus, il y a eu tout un courant qui alliait très fortement la Prière de Jésus à la respiration :
Sur l’inspiration, on disait : « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu » et sur l’expiration : aie pitié de moi, pécheur ». C’est un peu ce qui est dit dans le livre « récits d’un pèlerin russe ». Il est nécessaire de faire des mises au point très précises, afin que nous ne soyons pas engagés dans une mauvaise manière de prier la prière de Jésus, qui nous nuirait et pourrait amener un certain délabrement psychique, au lieu de nous faire du bien. En disant cela nous nous appuyons sur les écrits d’un certain nombre de starets, et sur l’expérience de nombreux pères spirituels.
L’archimandrite Callixtos, mort en 1980, a écrit ceci : « les exercices respiratoires ne sont rien de plus qu’un accessoire, une aide pour le recueillement, utiles à certains, mais non obligatoires pour tous. Ils ne sont en aucun cas un élément essentiel de la prière, qui peut être pratiquée dans toute sa plénitude, sans eux ». « Ces exercices de respiration associée à la prière de Jésus ne doivent être utilisés qu’avec la plus grande discrétion, car ils peuvent être très dangereux si on les accomplit mal ».
Donc, en l’absence d’un guide spirituel expérimenté, il vaut beaucoup mieux pratiquer la prière en elle-même, sans aucunement se soucier de respiration. L’évêque Ignace, starets russe du XIXème siècle, écrit : « il ne faut pas essayer de pratiquer cette technique respiratoire, à moins qu’elle ne s’établisse d’elle-même. La méthode mécanique respiratoire est avantageusement remplacée par une répétition paisible de la prière. Il faut faire une brève pause entre chaque invocation, la respiration doit être normalement paisible et calme, et l’intellect doit être enfermé dans les mots de la prière.
Voyons maintenant pourquoi cette technique respiratoire peut être dangereuse pour certains et même parfois très dangereuse. Parce qu’il y a certains cas de déséquilibre, de dépression, même chez des gens auparavant très équilibrés, parce qu’ils ont une faible capacité respiratoire, insuffisante pour cette longue phrase : ils déséquilibrent donc complètement leur rythme respiratoire, et comme notre mécanique intérieure est fragile et complexe, et, que tout se tient, tout se déséquilibre.
D’autre part, il peut arriver qu’on prie la prière de Jésus avant de s’endormir, et qu’on dise seulement « JESUS », lentement, calmement, en respirant. Si l’on n’y prend pas garde, en disant lentement, de plus en plus calmement JESUS, sur l’inspiration et sur l’expiration profonde, cela risque de nous empêcher de nous endormir : la respiration profonde étant propice à l’éveil, grâce à l’oxygénation. Pour pallier cet inconvénient, il suffit de respirer normalement, en surface.
D’autre part, il faut savoir aussi que la prière de Jésus est née dans un milieu monastique masculin, celui des pères du désert, et que la capacité respiratoire de l’homme est très différente de celle de la femme. Compte tenu de tout cela, ne nous occupons donc pas de la respiration ; ayons seulement le souci d’être attentifs aux mots que nous disons, et essayons de les dire au niveau du cœur, et c’est le Seigneur lui-même qui nous donnera de découvrir un jour que la prière de Jésus est liée à notre propre respiration. Mais cela se fera tout seul, d’une manière naturelle, et non pas d’une manière artificielle, que nous déciderions et que nous nous imposerions.