L'oraison, prière intérieure

 

La seule chose nécessaire

Peu de gens connaissent vraiment l'oraison

La seule chose nécessaire

Peu de gens connaissent vraiment l'oraison, et donc peu la pratiquent. Cela vient, pour une part, d'une méprise due au mot lui-même, issu du latin ōra : plur. de ōs, ōris qui signifie : la bouche, et par extension, ce qui en sort : la parole.

Emprunté au lat. eccl. oratio, -onis «prière» (début 3e siècle dans Blaise Lat. chrét.), att. dès la période class. au sens de «discours» qui apparaît en fr. plus tardivement; le lat. oratio est formé sur le supin oratum de orare «parler, dire» d'où «parler comme un orateur» et «implorer, solliciter» et en lat. eccl. «prier» (début 3e siècle ds Blaise Lat. chrét.)

Pour cette raison on lui a donné le sens de la Prière vocale (les oraisons de la messe) ou le sens de discours (les oraisons funèbres de Bossuet), sans rapport avec le sens mystique. Pour la plupart aujourd'hui, l'oraison est " une forme particulière de prière ". Cette définition implique une interprétation vague du mot prière, qui ne respecte pas son sens universel et précis. En réalité l'oraison et la prière sont deux formes de relation avec Dieu, de nature tellement différentes.

La prière est principalement une démarche de l'homme vers Dieu, plus précisément pour les Chrétiens, vers Dieu le Père, par le Fils et dans l'Esprit) pour louer, adorer, demander, remercier, se plaindre, offrir, intercéder, etc. Alors que l'oraison est principalement une démarche de Dieu vers l'homme, dont l'objet est l'union intime de Dieu avec une personne humaine. Dans la Prière l'homme s'exprime, et Dieu écoute. Dans l'oraison Dieu parle (par le Fils) agit (par l'Esprit) et l'homme se tait. Ainsi est-il tout entier disponible à cette parole et à cette action, même si, sur le moment, il ne les perçoit pas, car seul d'abord son cœur profond est touché. Dans la prière l'homme a l'initiative (avec l'aide de l'Esprit Saint) ; dans l'oraison, c'est Dieu qui a l'initiative. Pour l'homme, la prière est active, l'oraison passive.

 

Dans la pratique il arrive souvent que l'on passe de la prière à l'oraison ou de l'oraison à la prière. Mais cela ne doit pas empêcher d'en faire clairement la distinction. Beaucoup de personnes pensent pratiquer l'oraison, alors que, sans en avoir conscience, en fait, elles pratiquent la prière personnelle. C'est très bien. Mais la prière, même personnelle, ne remplace pas l'oraison, et réciproquement. Il est donc très utile de ne pas les confondre, si l'on veut les pratiquer véritablement l'une et l'autre. Comme toute attitude chrétienne, l'oraison a son fondement dans l'écriture, et notamment dans l'Évangile. Chaque récit d'une rencontre personnelle entre Dieu et un être humain peut-être considéré comme un récit d'oraison : par exemple celui du buisson ardent pour Moïse, ou celui de l'Annonciation pour Marie. On constate que ces récits sont innombrables dans la Bible. Le mot " Oraison " ne figure pas dans les évangiles, non plus que de nombreux autres inventés par les théologiens, tels que trinité ou sacrement, mais on en trouve précisément la substance, accompagnée de la pensée de Jésus qui la qualifie de " seule chose nécessaire " dans l'épisode de Marthe et Marie (Luc 10,38-42). Évidemment, d'autres " choses " sont très importantes : la charité, la foi, la lecture de la Parole, la prière, les sacrements, l'Église, etc. Mais, selon Jésus, seule l'attitude de Marie de Béthanie, assise à ses pieds pour l'écouter, est " nécessaire ".

Il existe deux moyens pour " écouter ". L'un est l'Église, qui nous donne les évangiles, les sacrements et l'amour d'une multitude de frères. C'est un moyen qui nous atteint par l'extérieur. L'autre, l'oraison, permet à Dieu d'atteindre, par l'intérieur, directement le cœur de " tout homme de vérité " (Jean 18,37) qui ne refuse pas d'écouter Ni interchangeables, ni concurrents, ces deux moyens se fécondent mutuellement.

Puisque Dieu, " qui nous aime le premier ", est lui-même l'origine de toute relation avec Lui, de toute religion véritable, et puisque l'oraison a pour objet de mettre notre cœur à l'entière disposition de son amour, on voit que, loin d'être une " dévotion " parmi d'autres, elle est bien, selon la parole de Jésus, " la seule chose nécessaire " :
"Une seule [chose] est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée." Luc 10, 38-42