L'oraison, prière intérieure

 

 

 

Annonciation, par Beccafumi
5 PARLER ET éCOUTER

Sainte Thérèse d'Avila donne cette définition célèbre : "A mon avis, l'oraison n'est rien d'autre qu'un échange amical où l'en s'entretient souvent, seul à seul, avec Dieu dont on se sait aimé". A celui qui commence à faire oraison, on recommande de parler. "Allez à la chapelle et parlez-Lui", disait un aumônier de patronage à un jeune qui lui demandait de lui apprendre à prier.

Parler à Jésus, c'est lui raconter ce qui fait notre vie. C'est "causer", bavarder. Pensons que Jésus est notre meilleur ami. Il nous aime passionnément. Toute notre existence l'intéresse, même les petits détails. Donc n'ayons pas peur de lui confier ce qui nous préoccupe : notre travail, nos joies et nos peines, notre famille, nos projets, nos soucis. Le matin, présentons-lui cette journée qui commence. Le soir, pensons à tout ce qui s'est passé. Soyons comme l'enfant qui raconte à sa maman ce qu'il a fait aujourd'hui. Attention, il nous faut parler à Dieu avec des mots "à nous" ! Comme quand nous étions des gosses en présence de nos parents. Pas de phrases emphatiques. Penser à utiliser la relation "Je, Tu". Donc, Parler à Dieu avec des mots à soi.

Souvent aussi nous avons des grâces à demander. Nous exposons nos besoins à Celui qui peut tout. La prière de demande est bonne : "Demandez, vous recevrez". Dieu est le meilleur des pères. Il aime qu'on s'adresse à Lui avec confiance.

MEDITER

Mais puisque l'oraison s'adresse à un ami, il faut aussi s'intéresser à lui. Je parle à Jésus tel qu'il était autrefois et tel qu'il est maintenant dans le ciel. L'Évangile rapporte sa vie, depuis sa naissance jusqu'à sa mort et sa résurrection. Il décrit ses paroles, ses actions. C'est pourquoi il est bon de partir d'un texte du Nouveau Testament, par exemple. On lit un passage, puis on réfléchit. Cela s'appelle méditer. C'est une première manière de prier très utile. Elle nous fait penser à Jésus.

FAIRE ORAISON

Mais cela reste une parole d'homme. L'oraison va plus loin. On a vu qu'elle était un échange. Sainte Thérèse emploie le mot espagnol tratar qui signifie "être en rapport avec quelqu'un, converser familièrement". Donc, l'oraison n'est pas un monologue, une suite d'idées, mais une conversation. Quand on est deux, chacun s'exprime. Et on fait attention à laisser à l'autre le temps de s'exprimer.

Mais c'est alors que surgit le problème classique : Je parle à Dieu, mais lui, je ne l'entends pas… Examinons cela. Dieu s'exprime-t-il comme un homme, avec des mots ? Non, bien sûr. Sauf exception. Certains ont entendu un jour, au fond d'eux-mêmes, une parole claire. Mais c'est très rare.

L'Esprit Saint parle à sa manière. Tantôt il se sert d'une phrase de l'Écriture qui nous frappe. Tantôt c'est une lumière intérieure… ou encore une parole que nous a dite une personne. Les événements aussi sont des paroles de Dieu. Y faisons-nous suffisamment attention ?

Je suis le fils, la fille de Dieu. Donc je reçois tout de Lui : ma vie, mes journées. Il me donne ce dont j'ai besoin. Mais un père n'accorde pas nécessairement tout de suite ce que son fils demande. Souvent, il juge meilleur d'attendre. Dans les dons de Dieu, il y a des étapes. Donc, je vais demander avec beaucoup de confiance, même si parfois j'ai l'impression qu'il ne m'écoute pas.

FAIRE SILENCE ÉCOUTER

Donc Dieu parle. C'est sûr. Mais cela suppose beaucoup d'écoute de notre part. Est-ce que nous sommes capables d'arrêter notre bavardage, de faire silence ? "Heureux deux amis qui sont capables de se taire ensemble" (Péguy). Soyons persuadés de ceci : les idées sont l'ennemi de l'oraison.

"Nous ne nous connaissons pas encore, car nous n’avons pas osé nous taire ensemble." Maurice Maeterlinck

Dans l'oraison, je parle lentement, dans un cœur à cœur. Ou encore je rumine un mot. Et chaque fois que c'est possible, je me tais. Je suis heureux avec Jésus, tout simplement. Cela s'appelle contempler.

Les deux parties de cet enseignement (Parler et Écouter) correspondent assez bien aux deux périodes de la vie d'oraison.

Ceux qui commencent à prier ont besoin de parler à Dieu. On leur recommande de préparer leur oraison afin de ne pas rester dans le vague. Certains choisissent la veille le texte sur lequel ils réfléchiront. Leur oraison ressemble à une méditation, à la différence qu'elle n'est pas seulement une réflexion, ils parlent à Dieu. C'est un travail. L'oraison des débutants est surtout active. Elle est une parole de l'homme adressée à Dieu. Et elle restera ainsi encore longtemps.

Plus tard, c'est le contraire. Dieu devient l'acteur principal. Ceux qui ont une grande expérience de la prière savent que l'Esprit Saint agit en eux et que la vraie prière c'est la sienne. Ils essaient donc de lui laisser toute la place, afin qu'il puisse transformer leur âme et l'enrichir de ses dons divins. Leur oraison devient contemplative, avec peu de paroles, ou même pas du tout. C'est un amour silencieux.

Pour St Jean de la Croix, trois signes indiquent qu'ils convient de laisser de côté la méditation :

  • "Premièrement, l'impossibilité de méditer et de discourir avec l'imagination, l'absence de goût et la sécheresse empêchant de s'y appliquer et d'y trouver de la saveur…
  • Deuxièmement : n'avoir aucun désir d'appliquer son imagination et ses sens aux objets extérieurs. Je ne parle pas des divagations involontaires de l'imagination (ce que nous appelons distractions).
  • Troisièmement, voici le plus certain : l'attrait pour rester en solitude, en attention amoureuse à Dieu, sans considérations particulières, en paix intime… en repos… sans que l'intelligence se porte vers une chose particulière" (Montée du Carmel - L 2 Ch 13).