L'oraison, prière intérieure

 

 

 

Jésus
1.1 Le Christ prie en moi

Je suis profondément attristé en présence de ces êtres qui voudraient prier, qu'une secrète nostalgie de la Prière habite, et qui cependant abandonnent la partie, découragés. Leur vie durant, ils traînent cette nostalgie. Pauvre gosses égarés qui ne retrouvent plus le chemin de la maison paternelle !

 

Je me souviens de ce vieux prêtre me déclarant : " Je n'ai jamais su prier ", de tant d'hommes et de femmes qui me répètent : " Je ne sais pas faire oraison " ; " A quoi bon m'obstiner puisque je n'arrive à rien…… " ; " Ai-je prié réellement ? "

Allez-vous grossir à votre tour les rangs de tous ces découragés de l'oraison ? Comprenez donc qu'il ne s'agit pas tant de " faire " oraison que de " rejoindre " en vous une prière qui s'y trouve toute faite. Depuis le jour de votre baptême, et du moment que vous êtes en état de grâce, la prière est en vous. Non pas certes au niveau de la sensibilité, ni des sentiments ou des idées mais bien plus profondément, en cette crypte intérieure où l'Esprit Saint réside.

 

Ne savez-vous pas que vous êtes un temple du Saint Esprit (1 Co 6, 19), que celui-ci vient au secours de votre faiblesse, comme St Paul nous l'assure, qu'il intercède pour vous, en vous, avec des gémissements ineffables, que son intercession correspond aux vues de Dieu (Rm 8, 26-27) ?

Cet Esprit Saint, c'est l'Esprit du Christ. C'est pourquoi sa prière en vous est essentiellement un appel filial, une exclamation de tendresse. Le même saint Paul nous l'affirme : " Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils qui s'écrie : Abba ! "(Ga 4, 6). Or cet " Abba " était, en langue populaire, le cri de joie et d'amour des petits enfants se jetant au cou de leur père : Abba, père bien aimé !

Allez vous me dire : " Mais alors, pourquoi m'exhortez-vous à pratiquer l'oraison si elle est en moi, toute faite et constante, non pas mon affaire, mais celle de l' Esprit Saint ? " Oui, elle est en vous comme la flamme de la lampe.

Encore faut-il que l'huile alimente cette flamme, sous peine que celle-ci ne décline et ne s'éteigne. Et cette huile qui nourrit la prière de l'Esprit en vous, c'est votre amour pour Dieu. J'entends par amour pour Dieu, non pas un quelconque émotion religieuse, un quelconque sentiment, mais cette adhésion de notre vouloir foncier à la volonté et à l'activité de l'Esprit du Seigneur en nous.

D'un chrétien à un autre, cette adhésion varie beaucoup. Chez l'un, elle est implicite, pauvre, hésitante. Chez le Saint, elle est lucide, ferme, ardente, inspirée par une foi et une charité intenses. La qualité de notre prière se mesure à la qualité de notre adhésion à l'activité priante de l'Esprit en nous. Vous comprenez pourquoi il est essentiel de consacrer du temps à l'oraison ? C'est que notre adhésion intérieure à Dieu au cours de nos activités, sous l'influence des soucis, des plaisirs et des peines, très vite se relâche et décroît.

Quand nous venons à l'oraison, notre être se trouve dispersé comme une compagnie de moineaux sur les arbres et dans les buissons alentour : il nous faut nous ressaisir, nous recueillir. Cela exige du temps.

Mais alors notre adhésion se raffermit à mesure que s'intensifie notre foi en la présence de Dieu en nous, que s'actualise notre amour pour lui. Il est vrai qu'un jour doit venir ou, je ne dirai pas : on n'a plus besoin de consacrer un temps déterminé à l'oraison, mais où cette adhésion intime à la prière de l'Esprit du Christ en nous demeure actuelle,vivante, ininterrompue. Nos occupations ne la troublent plus.

L'élan de l'Esprit, alors nous porte, nous anime, que nous marchions, que nous travaillions, que nous parlions. Que nous dormions même : " Je dors mais mon cœur veille ", s'écrie l'épouse du Cantique des Cantiques. C'est là cette prière continuelle que le Christ recommandait à ses disciples " Il faut toujours prier " (Lc 18, 1), recommandation que St Paul transmettait aux Thessaloniciens : " Restez toujours joyeux, priez sans cesse. En toute circonstance soyez dans l'action de grâces " (1 Th 5, 16-18).

Chez ceux qui parviennent à cette oraison intérieure et continuelle, la prière de l'Esprit Saint n'est plus un simple tison sous la cendre mais une flamme qui gagne l'être tout entier. Un saint est une prière vivante. Saisissez-vous maintenant ce que je vous disais au début de ma lettre : Il ne s'agit pas tant de " faire " oraison que de " rejoindre " en vous, par un acte de foi, la prière du Christ. De laisser monter en vous cette prière et d'y adhérer avec patience, courage, espérance inébranlable.

La prière chrétienne n'est pas d'abord activité de l'homme mais activité du Christ, prière Christ en l'homme. Et c'est là sa spécificité. Les prières des non-chrétiens elles aussi, quand elles sont authentiques, participent à leur insu à la prière du Christ.

Père Henri Caffarel