L'oraison, prière intérieure

 

 

 

 

 

 

 

arrestation du Christ, par Le Caravage
Le moyen court - 5

Bienfaits de cette oraison

Grâce à cette oraison le Sauveur nous fait retrouver la ressemblance divine. L'âme " a été créée une et simple comme Dieu. Il faut donc pour parvenir à la fin [au but] de sa création quitter la multiplicité de nos actions pour entrer dans la simplicité et l'unité de Dieu à l'image duquel nous avons été créés. […] L'image ne se répare pas en agissant mais en souffrant l'action de celui qui veut la réparer. Notre action doit donc être de nous mettre en état de souffrir l'action de Dieu et de donner lieu au Verbe de retracer en nous son image. Une image qui se remuerait empêcherait le peintre de contre tirer un tableau sur elle ".

L'âme, peu à peu se trouvera guérie de deux impuretés qui empêchent l'union à Dieu : l'instinct de propriété et le besoin d'activité.

" Dieu étant dans un repos infini, il faut afin que l'âme puisse être unie à Lui qu'elle participe à son repos sans quoi il ne peut y avoir d'union à cause de la dissemblance ". Ainsi Dieu rend l'âme " peu à peu conforme et puis uniforme, relevant la capacité passive de la créature, l'élargissant et l'ennoblissant, quoique d'une manière cachée et inconnue ; c'est pourquoi on l'appelle mystique. Mais il faut qu'à toutes ces opérations l'âme concoure passivement ". Cette activité purificatrice de Dieu est un travail de longue haleine.

Tout ce qui vient d'être dit montre combien grande est cette forme d'oraison : " C'est la perle précieuse ; c'est le trésor caché. Celui qui le trouve vend de bon cœur tout ce qu'il possède pour l'acheter. C'est le fleuve d'eau vive qui doit rejaillir jusqu'à la vie éternelle. C'est adorer Dieu en esprit et en vérité ". On comprend le prix de cette oraison si l'on pense " que les choses n'ont de valeur qu'autant que le principe d'où elles partent est noble et franc, et relevé. Les actions faites par un principe divin sont des actions divines ". Et " cela ne se peut faire que par la mort de nous-mêmes et de notre propre action afin que l'action de Dieu soit substituée en sa place. On ne prétend donc pas de ne point agir, mais seulement d'agir dans la dépendance de l'Esprit de Dieu pour donner lieu à son action de prendre la place de celle de la créature. Ce qui ne se fait que par le consentement de la créature. [….] Pourquoi, dit Dieu, employez-vous vous et votre argent à ce qui ne peut vous nourrir, et vos travaux à ce qui ne peut vous rassasier ? Écoutez-moi avec attention : nourrissez-vous de la bonne nourriture que je vous donne et votre âme en étant engraissée sera dans la joie ".

L'oraison continuée

" Les actes de l'homme sont ou extérieurs [vers le dehors] ou intérieurs [vers le dedans]. […] Si, étant tourné vers la créature, je veux retourner à Dieu, il faut que je fasse un acte pour me détourner de cette créature et me tourner vers Dieu ; et ainsi plus l'acte intérieur est parfait, plus la conversion est entière. Jusqu'à ce que je sois parfaitement converti, j'ai besoin de plusieurs actes pour me tourner vers Dieu ". C'est à cela que nous convie l'Écriture : " Retournez à votre cœur ".

L'esprit de l'homme est léger : il lui faut sans cesse revenir à Dieu. Mais le jour vient où " l'âme ne doit plus se mettre en peine de chercher cet acte [de retour à Dieu] pour le former, parce qu'il subsiste ". " C'est ici que la présence de Dieu durant le jour, qui est le grand fruit de l'oraison, ou plutôt de continuation de l'oraison même, commence d'être infuse et presque continuelle […] Il se fait au-dedans d'elle une conversation que l'extérieur n'interrompt point ".

L'auteur précise : " j'appelle acte continué celui par lequel l'âme est toute tournée vers son Dieu par un acte direct qu'elle ne renouvelle pas, à moins qu'il ne fût interrompu, mais qui subsiste. L'âme étant toute tournée de la sorte est dans la charité et elle y demeure. Et qui demeure dans la charité demeure en Dieu (1 Jean 4,16). Alors l'âme est comme dans une habitude de l'acte, se reposant dans ce même acte. Mais son repos n'est pas oisif, car alors il y a un acte toujours subsistant qui est un doux enfoncement en Dieu où Dieu l'attire toujours plus fortement ".

" L'âme qui est dans cet acte profond et fort, étant toute tournée vers son Dieu, ne s'aperçoit point de cet acte parce qu'il est direct et non réfléchi. Ce qui fait que cette personne, ne s'expliquant pas bien, dit qu'elle ne fait point d'actes. Mais elle se trompe, elle n'en fit jamais de meilleurs ni de plus agissants. Qu'elle dise plutôt : je ne distingue plus d'actes. […] L'amour est le poids qui l'enfonce, comme une personne qui tombe dans la mer, s'y enfonce et s'enfoncerait à l'infini si la mer était infinie : et sans s'apercevoir de cet enfoncement, elle descendrait dans le plus profond d'une vitesse incroyable ". Ce serait vouloir revenir au commencement que de vouloir faire des actes distincts et sensibles.

Voilà atteint le but annoncé au début de l'ouvrage, à savoir : vivre incessamment en présence de Dieu, prier sans cesse.

 

Moyen court page 6